🏗️ Un Chantier démarre à côté de chez vous : vos droits et les bons réflexes du voisin vigilant 

Lorsqu’un chantier démarre près de votre maison ou de votre appartement, il est normal de s’inquiéter : nuisances sonores, poussières, fissures, perte de luminosité… Mais avant que la pelleteuse n’entre en action, plusieurs précautions simples peuvent éviter bien des litiges

1. Comprendre le projet : consulter le permis de construire, pour éventuellement le contester

Avant tout, informez-vous !

Tout chantier nécessitant un permis de construire doit faire l’objet d’un affichage sur le terrain, lequel doit notamment indiquer (Articles R424-15 et A424-16 du Code de l’Urbanisme):

  • le nom ou raison sociale du bénéficiaire du permis,
  • le nom de l’architecte auteur du projet,
  • le numéro du permis de construire,
  • la nature du projet,
  • la superficie du terrain,
  • la date de délivrance du permis,
  • et l’adresse de la mairie où le dossier peut être consulté.

👉 Car oui, vous pouvez consulter le dossier complet en mairie. Cela vous permettra de vérifier si le projet respecte les règles locales (PLU, distances, hauteurs, etc.), le cas échéant avec l’aide d’un avocat.

💡 Bon réflexe : prenez des photos du panneau et notez la date de son affichage: cela conditionne vos délais pour agir.

Car vous disposez d’un délai de recours de 2 mois à compter de l’affichage du permis pour le contester… Pour ce faire, il vous est fortement conseillé de vous rapprocher d’un avocat, qui saura invoquer les justes motifs de contestation du permis et les moyens de droit en permettant l’annulation.

2. Protéger votre propriété : le constat d’huissier avant travaux

Avant le début du chantier, faites établir un constat par un commissaire de justice de l’état de votre propriété (maison, terrain, immeuble…).

Ce document, qui a force probante devant les tribunaux, prouvera, en cas de désordres provoqués par le chantier (fissures, dégât des eaux, affaissements etc…), qu’ils sont imputables aux travaux.

La responsabilité du promoteur/maître d’ouvrage pourra alors être engagée ainsi que celle, le cas échéant, des entreprises concernées (responsabilité délictuelle de l’article 1240 du Code Civil).

💰 Coût estimé du constat : entre 200 € et 400 €.

3. Pour plus de sécurité: le cadre juridique du référé préventif (article 145 du Code de Procédure Civile)

Si le chantier est important et induit par exemple des travaux de démolition, de terrassement, de fondations profondes etc… la mise en œuvre d’une procédure de référé préventif peut être opportune.

L’idée est d’obtenir la désignation d’un Expert Judiciaire dont la mission consistera à relever l’état actuel des immeubles voisins d’une opération immobilière ou de travaux de construction avant tout commencement de ceux-ci.

Ces constats réalisés de manière contradictoire permettent d’apporter la preuve que certaines dégradations ou désordres existaient avant les travaux et qu’ils ne sont pas causés par les opérations de construction ou de démolition du futur projet.

A contrario, ils vous permettront, en cas de désordres liés aux travaux, de démontrer que ceux-ci n’existaient pas avant le début du chantier et qu’ils en sont la conséquence.

L’Expert les consignera dans son rapport, qui vous permettra ensuite d’être justement indemnisé.

Il est d’usage que le maître d’ouvrage soit à l’origine de cette procédure, notamment en raison des coûts induits par l’expertise judiciaire (les frais d’expertise sont avancés par le demandeur).

En qualité de voisins directs du chantier, vous pouvez toutefois également solliciter la désignation d’un Expert.

Il est dans tous les cas impératif de saisir un avocat et d’interroger au préalable votre assurance protection juridique afin de savoir si les frais consécutifs (honoraires d’avocats, frais d’expertise…) sont susceptibles d’être pris en charge.

✅ Avantages du référé préventif :

  • permet d’éviter les conflits en préservant la preuve de l’état initial,
  • favorise un dialogue encadré entre voisins et constructeurs,
  • facilite l’indemnisation si un dommage survient.

4. Pendant et après le chantier: surveiller, communiquer et éventuellement… assigner!

Dans tous les cas, faites toujours en sorte de garder le contact avec le maître d’ouvrage ou le conducteur de travaux.

Il est en effet toujours préférable de tenter de règles des problèmes en amiable plutôt que par la voie judiciaire.

Aussi, en cas de nuisances excessives liées au chantier (nuisances sonores, olfactives, poussières, vibrations…), vous devez bien évidemment en informer le maître d’ouvrage afin qu’il vous propose une solution.

Des indemnités peuvent être versées dans ce cadre en réparation des préjudices subis ; soit en amiable, soit en judiciaire, avec l’aide d’un avocat, sur le fondement du trouble anormal de voisinage (article 1253 du Code Civil).

Le bon réflex : Si vous constatez des dégradations ou subissez des nuisances, faites-les constater immédiatement par un commissaire de justice et informez en le maître d’ouvrage.

Toutefois, si malgré toutes les précautions des désordres apparaissent concomitamment au chantier :

  • Comme indiqué, tentez d’abord une négociation amiable (constructeurs et leurs assureurs);
  • A défaut, le recours à un avocat aux fins de voir la responsabilité des constructeurs engagées et les garanties d’assurances, éventuellement mobilisées, est indispensable.

Les preuves établies par vos soins en amont, dans le respect des précautions indiquées dans le corps de l’article, seront alors déterminantes.

✍️ Conclusion

Être voisin d’un chantier ne signifie pas subir. En agissant tôt, calmement et avec méthode, vous protégez vos droits sans bloquer le projet. Les démarches préventives coûtent peu comparé aux litiges qu’elles permettent d’éviter.

Construire, Réhabiliter, Rénover son logement: les bons réflexes:

Faire réaliser d’importants travaux dans un immeuble, qu’il s’agisse de rénover une toiture, de refaire une façade ou encore de modifier des structures porteuses, ne s’improvise pas. Ces chantiers, souvent coûteux et techniques, impliquent de nombreuses responsabilités juridiques. Pour éviter les mauvaises surprises, il est essentiel de prendre certaines précautions, notamment en matière d’assurance mais également dans le choix des intervenants.

1. Conception et réalisation: bien encadrer le projet grâce à l’intervention d’un maître d’œuvre.

La première précaution à prendre est de s’entourer d’un maître d’œuvre compétent (architecte, bureau d’études, ingénieur…) Avec notamment pour mission de :

  • Éditer les plans et procéder à toute vérification utile à l’édification du projet (études de sol, études de charge, note de calculs…) ;
  • Organiser le chantier et surveiller les travaux ;
  • Coordonner les différents corps de métier ;
  • Veiller au respect des normes et du calendrier ;
  • Réceptionner le chantier à vos côtés et éditer toute liste de réserve utile. Le maître d’œuvre joue un rôle de chef d’orchestre indispensable pour garantir la qualité des travaux. Son contrat doit être bien rédigé, précisant ses missions, sa rémunération, les délais, ainsi que les pénalités en cas de retard ou de faute.

Certes, cette intervention à un coût, ce qui explique sans doute qu’un certain nombre de maîtres d’ouvrage décident d’en faire l’économie… Mais les avantages qui en résultent sont sans commune mesure : moins de risque d’abandon de chantier ou de désordres – recours possible contre le maître d’œuvre et son assureur en toutes circonstances (absence de réception, abandon de chantier, entreprises défaillantes etc…), interlocuteur unique dans le cadre du suivi des travaux etc…

2. L’assurance dommage-ouvrage : une protection essentielle.

Souvent négligée par les particuliers ou les copropriétés, l’assurance dommage-ouvrage est pourtant obligatoire dès lors que les travaux affectent la structure du bâtiment (gros œuvre, étanchéité, fondations…).

Elle permet, en cas de sinistre relevant de la garantie décennale (fissures importantes, affaissement, infiltration, etc, survenus après réception), d’obtenir une indemnisation en dehors de toute recherche de responsabilité ! En d’autres termes, dès lors que le désordre est constitué et considéré comme décennal, l’assureur vous indemnise à hauteur du préjudice, sans considération aucune de l’entreprise responsable.

La procédure étant enfermée dans des délais très strict, l’indemnisation intervient par ailleurs rapidement !

Elle est en plus une vraie plus-value en cas de revente du bien puisqu’elle bénéficie aux acquéreurs successifs de l’ouvrage et rassure donc les potentiels acheteurs.

3. Dans la réalisation: bien choisir ses entrepreneurs:

Le choix des entreprises doit être fait avec rigueur et suppose plusieurs vérifications qui, sans exclure les risques bien sûr, viendront les limiter :

  • Demandez des devis détaillés, précisant les prestations, les quantités, les matériaux utilisés, les délais et les conditions de paiement.
  • Vérifiez que chaque entreprise est bien assurée en responsabilité civile professionnelle et en garantie décennale : réclamez systématiquement les attestations d’assurance en vigueur au jour du commencement du chantier.

Préférez les Sociétés assurées auprès des Compagnies françaises. Ces derniers mois, un certain nombre d’assureurs étrangers, ayant des établissements en France, ont fait faillite, privant toutes les victimes de recours. (CBL, ALPHA, ELITE, GABLE…)

  • Assurez vous de la solvabilité de l’entreprise : sur le site société.com notamment, vous vous assurerez que l’entreprise est active et aurez accès aux principales informations la concernant.
  • Préférez des entreprises expérimentées : des labels de type QUALIBAT sont désormais distribués, qui peuvent s’avérer rassurants.

N’hésitez pas aussi à regarder les avis google… Lorsque l’on sait faire le tri, cela peut permettre de se faire une idée.

4. Sécuriser les relations contractuelles:

Avant de lancer les travaux, il est indispensable de formaliser un contrat écrit avec chaque entreprise. Ce contrat doit prévoir :

  • Les obligations précises de l’entrepreneur,
  • Les délais d’exécution,
  • Les modalités de paiement (évitez de verser trop d’acomptes ou des acomptes ne correspondant pas à l’état d’avancement réel du chantier,
  • Les pénalités de retard ou de mauvaise exécution,
  • Les conditions éventuelles de recours à la sous-traitance,

Un planning de chantier, validé par le maître d’œuvre, est également recommandé.

En résumé, engager des travaux dans un immeuble, c’est un vrai projet, avec des risques techniques, juridiques et financiers. Pour vous protéger, faites appel à un maître d’œuvre, souscrivez une assurance dommage-ouvrage, choisissez des entreprises sérieuses et sécurisez vos contrats. En adoptant ces réflexes simples mais essentiels, vous mettez toutes les chances de votre côté pour un chantier serein et réussi.

Si malgré toutes ces précautions, des problématiques liées au chantier surviennent, ce qui peut toujours arriver, mandater un Avocat spécialisé restera la meilleure solution.

Souscrire une assurance dommages-ouvrage: Quels risques? Quels avantages? Quelles formalités?


Depuis la loi Spinetta du 4 janvier 1978, que vous soyez un particulier ou un professionnel de la construction, vous avez l’obligation de souscrire une assurance dommages-ouvrage dans le cadre de travaux de construction, de rénovation ou de réhabilitation de votre maison, de votre appartement, de votre immeuble… Cette obligation, pas toujours respectée, est pourtant essentielle puisqu’elle permet, en dehors de toute recherche de responsabilité, de financer la reprise des désordres dits « de nature décennale », c’est-à-dire revêtant une certaine gravité (on dit en droit, « qui porte atteinte à la solidité de l’ouvrage ou à la destination des lieux »)

Les maîtres d’ouvrage font parfois l’impasse de sa souscription en raison de son coût non négligeable (entre 2 et 4% du coût total des travaux). Pourtant l’économie faite à un instant T est sans comparaison avec les avantages qu’elle présente :

  • Une instruction efficace du sinistre : lorsque le sinistre est déclaré, l’assureur est tenu de l’instruire dans des délais impératifs : en principe, il doit prendre position sur la mobilisation de ses garanties dans un délai de 60 jours à compter de la déclaration de sinistre. A défaut, les garanties sont considérées comme étant acquises.
  • Une indemnisation rapide des dommages : Si l’assureur a pris une position de garantie, il doit vous indemniser dans les 90 jours qui suivent la date de réception de la déclaration de sinistre. En d’autres termes une fois la déclaration de sinistre reçue par l’assureur, vous devriez pouvoir percevoir l’indemnité utile à la reprise des désordres dans un délai maximal de trois mois !
  • Un gain de temps et d’énergie dans le règlement des sinistres : l’assurance dommages-ouvrage est une assurance dite « de préfinancement », c’est-à-dire qu’elle permet une indemnisation en dehors de toute recherche de responsabilités. L’assureur vous indemnise, indépendamment de l’origine des désordres et de leur imputabilité ! A charge pour lui d’opérer ses recours contre les constructeurs responsables et leurs assureurs afin d’être réglés des sommes qu’il aura avancées.
  • Un moyen de se prémunir contre les insuffisances des constructeurs : la pratique montre qu’en dépit des obligations légales qui pèsent sur elles, nombre d’entreprises ne sont pas assurées ou sont mal assurées ! Lorsqu’en plus de cela, elles s’avèrent être insolvables (car en général, l’un ne va pas sans l’autre), vous êtes susceptibles de vous retrouver sans recours… L’assurance dommages-ouvrage permet de se prémunir contre ce risque puisque vous l’aurez compris, elle interviendra en amont pour vous indemniser ! A charge pour elle de trouver un moyen pour être remboursée.

ATTENTION : même souscrite, il vous faudra respecter certaines règles pour que l’assureur intervienne:

  • Il faut que le sinistre soit survenu dans les dix années qui suivent la réception. Au-delà, l’assureur dommages-ouvrage n’a plus vocation à intervenir.
  • Il faut que le sinistre soit déclaré à l’assureur dans les deux ans qui suivent sa survenance. A défaut, vous vous trouvez prescrit et plus aucune action ne peut être intentée.
  • La déclaration de sinistre doit être adressée par LRAR et comporter les mentions suivantes: Le numéro du contrat d’assurance – l’identité du propriétaire de l’ouvrage – l’adresse de l’ouvrage – la date de réception (joindre éventuellement le PV s’il existe) – la date d’apparition du/des dommages, leur description et leur localisation.
  • Enfin, si le sinistre survient dans l’année qui suit la réception, dite « année de parfait achèvement », vous devez mettre en demeure l’entreprise responsable d’intervenir en reprise. Ce n’est qu’à défaut de retour de sa part que l’assureur dommages-ouvrage pourra intervenir. A défaut de respect de cette formalité, vous vous exposez à une fin de non-recevoir de l’assureur.

Vous l’aurez compris, si quelques contraintes accompagnent la souscription d’une assurance dommages-ouvrage, elles sont sans commune mesure avec les avantages que vous pourrez en retirer en cas de sinistre.

Si vous souhaitez être conseillé au mieux en amont de votre projet de construction ou dans le cadre de la gestion d’un sinistre, n’hésitez pas à saisir un avocat qui saura vous assister et surtout, vous défendre face à un éventuel refus de garantie, pas toujours justifié !

Abandon de chantier : que faire, comment réagir, comment limiter les risques ?

L’abandon de chantier renvoie à la situation dans laquelle un constructeur quitte le chantier sans effectuer l’intégralité des prestations prévues au contrat, sans justification légitime et sans votre accord bien sûr. Une telle attitude peut avoir de graves conséquences pour vous, qui vous retrouvez alors dans une situation où les travaux sont inachevés, entraînant des pertes financières bien sûr mais également des préjudices moins visibles (préjudice moral, préjudice de jouissance induit par le retard pris dans la réalisation du projet…).

Si l’abandon de chantier peut être lié aux difficultés financières rencontrées par les entreprises, de plus en plus touchées par la crise, il peut aussi être le fait d’entrepreneurs peu scrupuleux qui perçoivent des acomptes disproportionnés par rapport à l’avancée du chantier.

En tout état de cause, les conséquences sont lourdes pour chacune des parties :

  • Pour vous, maîtres d’ouvrage, puisque le chantier ne peut être réceptionné, ni les garanties légales actionnées… Vos recours peuvent alors consister à obtenir la résiliation du contrat et à engager la responsabilité contractuelle de l’entreprise afin d’obtenir l’indemnisation de vos préjudices.
  • Pour les entrepreneurs également, qui, s’ils sont déjà en difficulté, peuvent être contraints de « fermer boutique » et de faire face à l’ouverture d’une procédure collective.

Si le risque d’abandon de chantier existe toujours et qu’aucun moyen ne permet de l’empêcher, des mesures peuvent être prises en amont pour en limiter les risques et conséquences éventuelles :

  • Avant même de mandater l’entreprise, vérifiez sa solvabilité en vous assurant qu’elle est in bonis, c’est-à-dire qu’elle a une assise financière solide.
  • Réclamez systématiquement l’attestation d’assurance en vigueur au jour du chantier et préférez une compagnie d’assurance ayant « pignon sur rue » ;
  • Concluez un contrat précis, incluant le détail des prestations dues, les quantités, les délais de réalisation des travaux, les modalités de paiement et prévoyant des pénalités de retard ;
  • N’acceptez jamais de régler des acomptes qui excèderaient la réalité des prestations effectivement réalisées ;
  • Prenez toute garantie complémentaire : souscrivez à une assurance dommages ouvrage, mandatez un maître d’œuvre pour le suivi des travaux…

Si malgré ces précautions, vous vous trouvez victime d’un abandon de chantier, le premier réflexe doit être de mandater un huissier de justice qui établira un procès-verbal de constat d’abandon de chantier.

Par la suite, et dans tous les cas, n’hésitez pas à faire appel à un avocat spécialisé en droit de la construction qui saura vous conseiller pour limiter les conséquences de l’abandon ! Une mise en demeure préalable pourra permettre d’engager une discussion et de trouver, souhaitons-le une solution amiable. Sinon, il vous faudra engager, à ses côtés, les procédures utiles à l’indemnisation de vos préjudices.

Vous l’aurez compris, en cas de litige, faire appel à un avocat spécialisé est une démarche essentielle pour préserver ses droits et minimiser les risques financiers.

Civ 2ème, 7 novembre 2024, n°23-10612: Les conditions générales d’un contrat d’assurance n’ont pas à être remises à l’assuré par avance pour lui être jugées opposables.

Dans cette espèce, un assureur responsabilité civile a opposé à l’assuré une clause d’exclusion de garantie figurant dans les conditions générales. Si celles-ci n’étaient pas signées, les conditions particulières, elles, l’étaient et contenaient une clause type selon laquelle l’assuré déclarait avoir reçu, le jour de la signature, un exemplaire des conditions générales.

La Cour d’Appel a donné tort à l’assureur, considérant qu’il aurait fallu remettre les conditions générales à l’assuré, qu’elle a qualifiées de « documentation dense« , dans un temps suffisant pour lui permettre d’en prendre pleinement connaissance.

La Cour de cassation censure l’arrêt attaqué. Pour ce faire, elle rappelle tout d’abord le principe selon lequel « une clause d’exclusion de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l’assuré au moment de son adhésion à la police ou, tout au moins, antérieurement à la réalisation du sinistre, pour lui être opposable » puis relève que « l’assuré avait reconnu, par une mention expresse de la proposition d’assurance revêtue de sa signature, que les conditions générales, comportant la clause d’exclusion de garantie litigieuse, lui avaient été remises avant la signature du contrat ». Ce faisant, elle juge les conditions générales pleinement opposables à l’assuré.

Cet arrêt apporte une précision d’ordre temporel sur les conditions d’opposabilité des conditions générales d’un contrat d’assuré: Peu importe que celles-ci aient été remises à l’assuré dans un temps suffisant pour lui permettre d’en prendre connaissance, conformément à l’article 1119 du Code Civil.


Assurance Construction: Les copies écran du logiciel de gestion constituent une pièce admissible pour justifier du recours subrogatoire de l’assureur (Civ3ème, 4/07/2024, 23-12.376)

Pour rappel, qu’elle soit conventionnelle ou légale, la subrogation suppose que l’assureur rapporte la preuve du paiement de l’indemnité pour que son recours puisse prospérer.

Dans cette affaire, s’appuyant sur le principe selon lequel le paiement étant un fait juridique, la preuve peut en être rapportée par tous moyens, la Cour de Cassation précise que les copies écran du logiciel de gestion de l’assureur constituent une pièce admissible pour justifier du recours subrogatoire de ce dernier.

La Cour de cassation a ainsi censuré l’arrêt d’appel en lui reprochant d’avoir rejeté partiellement le recours subrogatoire « sans analyser, même sommairement, les copies d’écran et quittances produites en appel ».

Cette décision est cohérente car conforme à la pratique des conventions inter-assurances, qui considèrent les copies-écran comme un mode de preuve recevable.

Elle ne manquera pas d’être régulièrement citée par les assureurs exerçant leurs recours, trop souvent déboutés par les juges du fond au motif de l’insuffisance de preuve du paiement effectif de l’indemnité d’assurance.

Attention toutefois, si une copie écran constitue un mode de preuve admissible, le juge reste libre d’en apprécier la force probante au regard des autres éléments versés au dossier!

Un commencement de preuve donc, que les parties visées par les recours ne manqueront pas de venir contester…

Rappel du revirement de jurisprudence opéré en 2022 relativement au point de départ du délai de prescription des recours entre constructeurs (Civ 3ème, 14/12/2022, n°21-21305):

Le 14 décembre 2022, la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence très net sur la question du point de départ du délai de prescription des recours entre constructeurs: la Cour consacre ici le principe général selon lequel « l’assignation, si elle n’est pas accompagnée d’une demande de reconnaissance d’un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l’action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures ». Ainsi l’assignation en référé aux fins d’expertise judiciaire ne peut plus, à elle seule, faire courir le délai de cinq ans dont disposent les constructeurs pour exercer leurs actions récursoires.

Son point de départ est fixé au jour de l’assignation principale au fond du maître de l’ouvrage. La « demande de reconnaissance d’un droit » visant toute demande, même provisionnelle, par laquelle le maître de l’ouvrage entend obtenir du constructeur le paiement d’une certaine somme, ou l’exécution en nature de ses obligations.

Cette décision, propice à une bonne administration, devait permettre d’éviter de voir se multiplier les recours en garantie exercés à titre purement conservatoire, alors même que notre justice est déjà débordée!

Malgré tout, face à des procédures d’expertise qui s’allongent parfois sur cinq, voire dix ans, il n’est pas rare de voir les parties assigner ou conclure à titre conservatoire dès la délivrance d’une première assignation au fond… reculer pour mieux sauter?

COVID-19 ET ASSURANCES, POURQUOI LA POSITION DES ASSUREURS RESTE-T-ELLE DÉFENDABLE JURIDIQUEMENT ?

La colère monte depuis plusieurs semaines dans tous les milieux professionnels touchés par les conséquences économiques de l’épidémie de COVID-19. Les secteurs de la restauration et de l’hôtellerie notamment, particulièrement affectés, réclament une intervention massive des assureurs au titre de la perte d’exploitation consécutive à la fermeture de leurs établissements, elle-même liée aux consignes sanitaires imposées par le Gouvernement. On a notamment entendu l’injonction faite aux Compagnies d’assurance par de nombreux grands chefs de « prendre leurs responsabilités » et de « mobiliser la garantie perte d’exploitations due aux entreprises qui l’ont souscrite ». Passionnée de gastronomie et de vin, peut être plus encore que de droit, j’entends ce désespoir teinté de rage sans pouvoir m’empêcher d’interpeller mon âme de juriste : la position des assureurs est-elle vraiment indéfendable? Est-elle juridiquement justifiée ou, à tout le moins, justifiable?

Si j’osais, je dirais que oui… Car la mise en jeu de la garantie d’exploitation, brandie comme fer de lance par beaucoup de professionnels, est en réalité soumise à un préalable incontournable : la survenance d’un évènement ou sinistre garanti au titre du contrat d’assurance. En d’autres termes, il ne s’agit pas d’une garantie « en soi », qui s’appliquerait par sa seule mention au contrat et/ou dès lors que sont constatées des pertes économiques d’origine exogène.

Non, les pertes d’exploitation subies par une entreprise ne seront prises en charge par l’assureur que sous-couvert: 1/ que cette garantie ait été souscrite au contrat (ce qui n’est pas toujours le cas) et 2/ que les pertes déclarées soient la conséquence d’un sinistre ou d’un évènement garanti, qui sont communément les suivants : incendies, dégâts des eaux, tempêtes, attentats, catastrophe naturelles…

Parfois, l’Assuré clairvoyant aura souscrit une garantie pertes d’exploitation plus élargie, indépendante d’un dommage matériel, qui stipulera par exemple que seront prises en charges les conséquences financières résultant d’une interdiction d’accès aux locaux professionnels émanant des autorités publiques… Alors, les yeux de notre Assuré clairvoyant (et renseigné) s’éclaircissent, l’espoir renaît et il se dit : « dans le cas du COVID 19, un arrêté ministériel du 15 mars 2020, publié au JO n°65 du 16 mars suivant, a ordonné la fermeture d’un certain nombre d’établissements accueillant du public, notamment les cinémas, restaurants et débits de boissons, salles de spectacles… ! Mon contrat s’applique donc ! »

Ce serait oublier que l’Assureur, fin connaisseur du droit des contrats et de l’article 1103 du Code Civil, cherchera toujours à être plus prévoyant que ses Assurés, dans un respect absolu des règles de droit. Il aura ainsi le plus souvent prévu que l’interdiction d’accès aux locaux à même de mobiliser la garantie perte d’exploitation doit résulter de l’une des causes prévues au contrat, entendue de manière restrictive, et parmi lesquelles figurent rarement les cas d’épidémies. Plus encore, il aura inclus des exclusions de garantie, générales et spécifiques, que notre Assuré clairvoyant, mais pressé, n’aura que rarement pris le temps de lire et de déchiffrer…   Et qui, selon les contrats, pourront préciser que les dommages causés par bons nombres de maladies (type SRAS) et les épidémies ne seront pas pris en charge.

Rares sont en réalité les polices d’assurance qui prévoient dans leurs garanties les conséquences des épidémies et pandémies; plus rares encore sont les Assurés qui souscrivent à ce type d’assurance, lorsqu’elles existent…

A ce stade donc, une lecture stricte de la plupart des contrats d’assurance souscrits par les professionnels permet de justifier les positions opposées par les assureurs, fussent-elles pour leurs souscripteurs moralement contestables et humainement inacceptables.

C’est pourquoi dans ces temps troubles, nous ne pouvons que conseiller aux professionnels en difficulté de lire attentivement leurs contrats, d’en décrypter l’étendue ainsi que les limites et le cas échéant, de les modifier pour l’avenir, en gardant en tête une chose : tout n’est peut-être pas perdu… si des failles existent, et elles existent souvent, David, bien conseillé, ne serait-il pas en mesure de faire flancher Goliath ?

La suite, au prochain article… En attendant, n’hésitez pas à me poser toutes vos questions sur vos contrats en cours afin que moi aussi, je participe à cet élan de solidarité.

Bon courage à tous et prenez soin de vous…